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4 janvier 2025
Pierre, le patriarche de la dynastie
Nardi, s'en est allé au seuil de ce nouvel an.
Évoquer Pierre Nardi, c'est s'infiltrer dans les corridors de
notre mémoire, pour retrouver les scintillements de carrière
d'un coursier d'un autre temps. Avec le départ de Pierrot ce
sont un peu nos rêves de jeunesse, les traces d'une époque pas
si lointaine mais révolue qui disparaissent. Comme de nombreux
hommes de l'époque, il ne comptait que sur lui, ce qui en a fait
un individualiste notoire dans les pelotons cyclistes. Il aimait
dire "je n'ai jamais pris une pièce dans la poche de
quelqu'un mais il ne fallait surtout pas que quelqu'un vienne
en chercher une dans la mienne". Force est de constater
que ses nombreux succès il ne les doit qu'à lui même, il a
toujours reconnu n'avoir jamais fait aucun cadeau à un coureur
mais qu'il n'en a jamais attendu et obtenu de personne. Ce
coursier de race à la pédalée puissante et soutenue (ses
contemporains R.Gibanel, R.Mastrotto, R.Cazala et P.Beuffeuil
disaient de lui : "quand Pierrot passait en tête il pouvait
te sortir des roues comme qui rigole", avec son
tempérament de gagneur il ne pouvait concevoir une course
d'équipe, il courait pour lui, ce qui explique en partie son
bref passage chez les pros. Chez ces derniers il a laissé le
souvenir d'un coureur aux gros moyens, qu'un individualisme
légendaire isola dans les courses. Il avait débuté en 1948,
raccroché fin 1959, dés 1951 pointent ses premiers résultats :
2ème à Labrit devancé par le seul André Darrigade, 3ème du Tour
de l'Orne (1er J.Bobet), il éclate en 1952 avec 16 victoires
dont la 4ème étape du Tour du Sud-Ouest (Pro), en 1953, dans le
grand Prix du Midi-Libre (course pro de 280 km) où il s'impose
devant tout le gratin le consacre coureur international. Suite à
cette victoire monumentale la firme TENDIL qui l'équipe l'oblige
à passer pro le 21 juin. Dès l'année suivante, en 1954, il se
fait reclasser chez les aspirants-pros (une catégorie inférieure
bâtarde). En 1955, il participe à Paris-Tours et à
Paris-Bruxelles, grandes classiques de l'époque. 1956 le voit
vaincre dans les belles courses pros que sont les Boucles du
Bas-Limousin, le Tour de Corrèze, des épreuves qui dépassent les
250 km, mais ses plus belles victoires restent la 2ème étape
(Marseille-Avignon), dans le Tour des Provinces du Sud-Est
(l'équivalent du Dauphiné-Libéré) et le Tour du Béarn-Aragon
devant le futur vainqueur de la Vuelta Antonio Suarez. A partir
de 1957 (bien qu'il participe à Paris-Nice) il finira sa
carrière en roue libre. Pour le fun il reprendra une licence en
1967 où il se classe 7ème à Illats, une course remportée par un
jeune aux dents longues Claude Magni. Durant sa carrière il a
été licencié dans les clubs de : C.A. Bèglais de 1948 à 1950,
C.C. Bordelais de 1951 à 1953 et au V.C. Barsacais de 1954 à
1959 + 1967. Il a honoré les couleurs de : ELVISH de 1949 à
1950, LA PERLE en 1951, TENDIL de 1952 à 1953, MERCIER-BP de
1954 à 1955, THOMAN-ALCYON-LA FRANÇAISR de 1956 à 1958 et
PEUGEOT-BP en 1959. Il était né le 27 mars 1930 à
Saint-Jean-de-Duras (47), il vient de décéder ce 30 décembre
2024 à Barsac.
Cher Pierre, toi qui nous a si souvent accompagné dans nos
sorties cyclistes, aujourd'hui suite à ton départ, nos âmes sont
subitement devenues tristes, une longue absence commence.
Au revoir Monsieur Nardi.
Gérard Descoubès
Voici les péripéties engendrées par Pierrot pour vaincre dans le
grand-prix du Midi-Libre 1953 :
"Contacté par la direction des cycles Tendil pour disputer le
grand prix du Midi-Libre course pro internationale, il a juste
le temps de sauter dans le dernier train pour Carcassonne,
lieu de départ de l'épreuve. Arrivé dans la cité des remparts,
comme lui à conseillé son mentor Armand Poupard (dit
Poupiche), il rejoint aussitôt sa chambre d’hôtel pour
récupérer des fatigues du voyage. Il s'endort à un point tel,
qu'il rate la réunion d'avant-Course qui distribuait les rôles
de chacun. Lorsque son directeur sportif (le père Bernardoni)
l’aperçoit enfin, c'est pour s'entendre dire "toi, tu passeras
ton vélo ou tes roues aux leaders". Pierrot qui ne s'est
jamais penché sur les "us et coutumes" d'un groupe
professionnel réplique aussitôt « passer mes roues ?
Jamais ! et mon vélo encore moins ! ». Cela
jeta un froid, le grand patron lui demande alors " tu es venu
quoi faire ici"? Candide jusqu'au bout du bout "il
répond : gagner, pardi ! Sinon je serais resté à
Bordeaux". Le patron faillit s'étouffer, puis s'écria "un
inconnu se lance dans une course de 280 bornes avec cinq cols
au programme, sans compter toutes les autres bosses, le voilà
qui revendique le rôle de leader". Le patron hors de lui,
tranche immédiatement" Tendil c'est fini pour toi, tu es viré,
ton vélo rentrera directement à l'usine après la course". A
partir de ce moment, notre pauvre Pierrot se trouve dans
l'embarras, car son train n'est plus remboursé, il n'a plus
droit aux boyaux de rechange et encore moins au
ravitaillement. En ultime recours il réussit à récupérer un
boyau neuf et à remplir ses poches de nourriture. Sur la ligne
de départ A.Deledda le champion de France en titre lui demande
"dis donc jeune, tu comptes le faire en combien de jours ton
Midi-Libre ? Vu la bouffe que tu emportes tu dois partir pour
longtemps!!!" Après avoir expliqué à Deledda ce qui lui
arrivait, le père Adolphe qui était un bon mec lui dit " si tu
as besoin de quoi que ce soit pendant la course, tu viens me
voir, on s'arrangera". La course lancée, les trois premiers
cols furent terribles pour notre régional, il reconnaît que si
il n'avait pas eu peur de décevoir le champion de France en
personne, il aurait abandonné, il resta en queue de paquet
pendant 200 km. Arrivé dans les 80 derniers km se sentant
mieux, il commença à penser à faire une des nombreuses primes
qui jalonnaient le trajet pour pouvoir se rembourser le train.
A 20 km du but, Pierrot aperçoit au sommet d'une bosse très
raide, un drapeau rouge qui annonce une prime de 100.000 f ,
ne pensant qu'à payer son train, il débouche, rafle la prime
et se lance à bloc dans la descente, prend 1'30" et va
décrocher avec une trentaine de secondes d'avance la plus
jolie victoire de sa carrière, créant la plus belle surprise
de la saison cycliste. Derrière suivent les S.Bianchi,
J.Dupont, A.Darrigade, E. Muller (champion du monde en titre),
après avoir été débauché le matin il était illico presto
rembauché le soir, par le patron de Tendil. Pour la petite
histoire Pierrot avait gagné ce Midi-Libre avec un plateau
ovale, fabriqué de toutes pièces par son mentor le fameux
Poupiche."
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